Analyse. Crise, reconfiguration du pouvoir économique mondial et place de l’Algérie dans les relations internationales »

Publié le par ouada yazid

J’articulerai ma démonstration en six parties interdépendantes :

 

1-les leçons de la crise économique d’octobre 1929 et d’octobre 2008 ;

2-crise et accroissement de l’endettement des Etats ;

3- stratégie américano- chinoise face à la cotation du dollar, fonds souverains et finance islamique ;

4-sans croissance, l’inflation est –elle la solution pour éponger la dette publique, limite des politiques monétaires classiques et a-t- on tiré toutes les leçons de la crise d’octobre 2008 ;

5- l’urgence d’un nouveau modèle de consommation énergétique au niveau mondial et l’atténuation de la bipolarisation des inégalités Nord/Sud ;

6- enfin, place de l’Algérie dans les relations internationales

 

PREMIÈRE PARTIE

Les leçons de la crise économique d’octobre 1929 et d’octobre 2008

Simple coïncidence ou ironie de l’histoire c’est le même mois, mais à des dizaines de décennies d’intervalle.

1-Les leçons de la crise économique mondiale d’octobre 1929

 

Le krach d’octobre 1929 est consécutif à une bulle spéculative, dont la genèse remonte à 1927. La bulle fut amplifiée par le nouveau système d’achat à crédit d’actions, les investisseurs pouvant acheter des titres avec une couverture de seulement 10 %, le taux d’emprunt étant fonction du taux d’intérêt à court terme et la pérennité de ce système dépendant donc de la différence entre le taux d’appréciation des actions et ce taux d’emprunt.
C’est le 24 octobre 1929 que la fameuse crise se déclencha aux Etats-Unis ; on appela ce jour le « jeudi noir » ou Black Thursday. A la mi-octobre 1929, l’annonce de la baisse des bénéfices des industries poussa les spéculateurs à vendre leurs actions pendant que le cours de Wall Street était encore élevé. Cette vente entraîna une chute encore plus rapide des actions, plus de 16 millions de titres seront bradés sur le marché, sans trouver toutefois preneur. Les épargnants paniquent et se précipitent auprès de leurs banques pour retirer leur argent. Bientôt des centaines de milliers d’actionnaires se trouvèrent ruinés. Un grand nombre de banques n’ayant pas les moyens de rembourser leurs clients firent faillites. Pour s’en sortir, le seul moyen des banques furent de stopper les prêts à l’étranger et de réclamer le remboursement de ceux déjà effectués. De plus les capitaux américains cessèrent de circuler autour de la planète. La conséquence inévitable fut l’expansion de la crise à l’ensemble des pays industrialisés. Entre le 22 octobre et le 13 novembre 2009, l ‘indice Dow Jones passe de 326,51 à 198,69 (39 %), ce qui correspond à une perte virtuelle de 30 milliards de dollars, dix fois le budget de l’État fédéral américain de cette époque. Par un effet de dominos, c’est l’ensemble de la Bourse qui s’effondre, et la chute de 1930 à 1932 est supérieure à celle de l’année 1929. Le 8 juillet 1932, le Dow Jones tombe à 41,22, son plus bas niveau depuis sa création en 1896. La baisse des prix fut générale et atteint environ 30% de1929 à 1932. Suite à la hausse des taux d’intérêt en avril 1929, lorsque survient la première stagnation des cours, le remboursement des intérêts devient supérieur aux gains boursiers et l’économie réelle montre des signes de faiblesses dont notamment la chute drastique de la production automobile qui était le levier de la dynamique industrielle. Ce ralentissement est en partie dû à un phénomène d’asphyxie : les capitaux disponibles accourent à la bourse plutôt que vers l’économie « réelle ». La perte de confiance due à la crise boursière affecte la consommation et les investissements lors des mois suivant le krach. Les crédits se tarissant, la consommation, l’investissement et la production continuent de chuter, le chômage explose (de 1,5 millions à 15 millions en 1933), et la crise bancaire devient une crise économique en 1931. Les mesures protectionnistes, t- elles que la loi Hawley-Smoot de 1930 sur les droits de douane, les différentes dévaluations des monnaies (les politiques de cette époque privilégiant les Etats nations) favorisent la propagation de la crise à toutes les économies occidentales à partir de 1931. Début 1933, les profondes crises sociales et économiques favorisèrent les interventions publiques. Début 1933 la crise était au plus haut aux Etats-Unis, le nouveau président, fraîchement élu, Franklin D. Roosevelt, lança le New Deal caractérisé par l’intervention accrue de l’Etat, les investissements dans les infrastructures pour lutter contre le chômage et ce au moyen du déficit budgétaire. La dépression recula un peu, mais c’est surtout l’entrée en guerre des Etats-Unis grâce aux commandes dépenses militaires qui l’atténua en 1941. En Allemagne et en France on adopta aussi les théories de Keynes : les dépenses publiques devaient compenser le manque d’investissements privés. Sur le plan politique, l’extrême droite française s’était renforcée, mais le Front Populaire face à cette crise remporta les élections en 1936. En Allemagne la situation ne se stabilisa pas vraiment et avec l’hyperinflation la crise avait permis à un homme de parvenir au pouvoir, Adolf Hitler. Il en fut de même en Italie avec l’arrivée de Mussolini. Aussi, l’histoire économique des crises nous enseigne qu’existe un lien dialectique entre crise financière, crise économique, crise sociale et crise politique, favorise des réflexes protectionnistes néfastes à l’expansion de l’économie mondiale et parfois des guerres.

2- Crise d’octobre 2008 et impact sur la sphère réelle

Il est utile au préalable de résumer l’origine de la crise des prêts hypothécaires d’aout 2007, où des titres ont été adossés qu’à des entrées virtuelles, qui s’est faite en en cinq étapes :
a- les banques ont fait des prêts immobiliers à des ménages insolvables ou présentant peu de garanties, à des taux d’intérêts élevés ;
b- diffusion des mauvaises créances dans le marché : pour évacuer les risques, les banques «titrisent» leurs créances, c’est-à-dire qu’elles découpent leur dette en produits financiers pour la revendre sur le marché. La mondialisation a fait le reste, en diffusant ces titres à risque dans les portefeuilles d’investisseurs de toute la planète. Les fonds spéculatifs (hedge funds) ont été de gros acheteurs de subprimes, souvent à crédit pour doper leurs rendements (jusqu’à 30 % par an), et faire jouer l’effet de levier, les hedge funds empruntant jusqu’à 90 % des sommes nécessaires ;
c- retournement du marché immobilier américain : vers fin 2005, les taux d’intérêts américains ont commencé à remonter alors que le marché financier s’essoufflait. Des milliers de ménages ont été incapables d’honorer leurs remboursements entraînant des pertes pour les banques et les investisseurs qui ont achetés les titres obligataires ont vu leur valeur s’effondrer ;
d-crise de confiance : les banques se sont retrouvées dans une situation ou comme dans un jeu de poker , elles savent ce qu’elles ont dans leur bilan , mais pas ce qui se trouve dans celui des autres car ces mauvais crédits immobiliers ont été achetés un peu partout dans le monde et on ne sait pas quelle est la répartition du risque d’où une grave crise de confiance et cette situation paralyse le marché inter- bancaire, les banques ne se prêtant plus ou très peu craignant que leurs homologues soient dans une ligne rouge ;
e- intervention des banques centrales : face à la paralysie du marché, les banque centrales sont intervenus début août 2007 en injectant plusieurs centaines de milliards de dollars et d’euros de liquidités, les actifs toxiques continuant de produire leurs effets comme en témoigne la récente semi -faillite immobilière d’Abu Dhabi et la crise grecque démontrant que les ondes de chocs ne sont pas encore terminés.

DEUXIEME PARTIE
Crise et accroissement de l’endettement des États

1- Perspectives de l’économie mondiale

 

Dans son rapport publié courant janvier 2010, la banque mondiale (BM) note que le pire de la crise financière est derrière nous et la reprise économique mondiale est en cours, mais que cette reprise est fragile, l’ampleur globale de la reprise et sa durabilité dépendant du redressement de la demande des ménages et des entreprises sur les prochains trimestres 2010/2011. Selon le scénario de base de la BM, la croissance mondiale devrait atteindre 2,7 % en 2010 et 3,2 % en 2011 après s’être contractée de 2,2 % en 2009. Les hausses les plus marquées sont à signaler dans les pays en développement d’Asie de l’Est, reflétant, du moins en partie, le programme de relance de 4 000 milliards de yuans (soit 12 % du PIB) mis en place par les autorités chinoises jusqu’en 2010 (au titre duquel environ la moitié des dépenses ont déjà été réalisées). Selon la BM, on ne peut cependant pas exclure l’hypothèse d’une rechute en 2011, s’il advenait que la dépense publique se ralentisse et que la croissance ne soit pas reprise par l’entreprise privée, et ce à mesure de l’atténuation de l’impact des mesures de relance budgétaires et monétaires sur la croissance. Certes, après leur stabilisation, les marchés financiers se redressent mais ils restent fragiles. La liquidité interbancaire, telle que mesurée par l’écart entre les taux d’intérêt appliqués entre banques et ceux dont elles doivent s’acquitter auprès des banques centrales, a reculé d’un sommet historique de 366 points de base sur les marchés en dollars à moins de 15 points de base. Aussi, face à cette situation, la reprise pour 2010 sera relativement molle en Europe et aux USA, et une reprise beaucoup plus dynamique de la Chine est prévue. Pour preuve, la faible reprise de la sphère réelle, le nombre de sans-emploi dans le monde ayant atteint près de 212 millions en 2009, en raison d’une hausse sans précédent de 34 millions par rapport à 2007, à la veille de la crise économique mondiale, a annoncé le Bureau international du Travail (BIT) dans son rapport annuel sur les tendances mondiales de l’emploi publié fin janvier 2010. S’appuyant sur les prévisions économiques du FMI, le BIT estime que le chômage devrait rester élevé en 2010, notamment dans les économies développées et l’Union européenne où un surcroît de 3 millions de personnes pourrait grossir les rangs des chômeurs en 2010. En outre, le nombre de jeunes au chômage a augmenté de 10,2 millions entre 2007 et 2009, soit la plus forte hausse enregistrée depuis au moins 1991. Le rapport souligne que, même si les mesures de relance coordonnées semblent avoir éviter une catastrophe économique et sociale bien plus grave, des millions de personnes de par le monde sont toujours privées d’emplois, d’allocation chômage ou de toute autre forme viable de protection sociale. Pour le BIT, la proportion de travailleurs en situation d’emplois vulnérables dans le monde est évaluée à plus de 1,5 milliard, soit plus de la moitié (50,6 %) de la main-d’œuvre mondiale. Et ce nombre est susceptible d’avoir augmenté de plus de 100 millions entre 2008 et 2009. Le rapport indique également que 633 millions de travailleurs et leurs familles vivaient avec moins de 1,25 dollar par jour en 2008, avec pas moins de 215 millions d’autres travailleurs vivant à la limite et courent le risque de tomber dans la pauvreté en 2009. Ainsi, le taux de chômage mondial a atteint 6,6 % en 2009, en hausse de 0,9 point de pourcentage par rapport à 2007. Cependant, il diffère considérablement selon les régions. Contre fin 2007 de 5,7%, le taux de chômage moyen dans la zone OCDE est à son «plus haut niveau» depuis la seconde guerre mondiale selon le rapport de l’OCDE 2010 intitulé perspectives de l’emploi. Il a atteint 8,7% en moyenne avec des disparités(le chômage en Espagne et l’Irlande explose alors qu’il recule en Allemagne du fait de la reprise de la croissance) son plus haut niveau depuis 1945. «Le taux de chômage de la zone OCDE pourrait encore dépasser les 8% à la fin de 2011. Etant donné la gravité du ralentissement du marché du travail et les risques sociaux et économiques que cela implique, il est important de continuer d’allouer des fonds appropriés aux politiques du marché du travail», écrit l’OCDE. Même avec la reprise, «fragile», il manquera fin 2011 environ 15 millions d’emplois pour revenir au taux d’emploi d’avant la crise, notamment dans certains pays comme l’Espagne, l’Irlande ou les Etats-Unis.

Or, qui dit chômage seul indicateur de la reprise de la sphère réelle, dit baisse de la demande solvable qui se répercute sur le niveau de l’appareil de production et l’Espagne le pays le plus frappé de l’Europe avec près de 20% du taux de chômage est un exemple significatif. C’est pourquoi, le Forum de Davos a clôturé le 31 janvier 2010 dans une ambiance loin d’être euphorique. Le rapport final insiste que que si la croissance est légèrement repartie, les problèmes budgétaires d’Etats comme la Grèce suscitent beaucoup d’inquiétudes, tandis que le directeur général du Fonds monétaire international (FMI) Dominique Strauss-Kahn a prévenu lors de ce forum que le rétablissement du système financier sur des bases plus saines et des finances publiques serait l’un des principaux problèmes pour l’économie mondiale et qu’il fallait rester prudent. Avis partagé par M. Neil Barofsky, inspecteur indépendant du plan public de sauvetage de la finance aux Etats- Unis qui a affirmé, dans un rapport publié dans le Waal Street Journal du 31 janvier 2010, qu’une nouvelle crise financière restait possible, sauf réforme importante du système financier américain, étant donné sa faiblesse et les risques qu’il prend. Aussi, selon bon nombre d’experts internationaux, on ne peut malheureusement pas s’attendre à une reprise miraculeuse après une crise aussi grave, car il faudra des années pour reconstruire les économies et redresser la situation de l’emploi. Par ailleurs, au cours des 5 à 10 prochaines années, du fait de l’aversion accrue pour le risque, une réglementation plus prudente et la nécessité d’adopter des pratiques de prêt moins libérales que pendant la période d’expansion qui a précédé la crise se traduiront probablement par une raréfaction et un renchérissement des capitaux destinés aux pays en développement. Toutes les formes de financement étant affectées par la crise, les sociétés mères seront moins en mesure de financer le développement de nouveaux produits car leurs coûts d’équipement vont augmenter. Il s’ensuit que selon une étude de l’assureur- crédit Euler Hermes SFAC publiée le 11 juin 2009 que la crise économique et financière va durablement peser sur la croissance mondiale et la demande intérieure des pays émergents reste trop faible pour compenser la récession des pays développés, Je cite : « Depuis dix ans, la dynamique mondiale a été portée par la demande des pays de l’OCDE, poussée par le crédit, et cette demande était aussi le moteur extérieur des pays émergents, leur demande intérieure, encore trop faible, ne pouvant pas servir de locomotive de la croissance mondiale à ce stade ». Aussi, selon cette étude, la croissance mondiale devrait rester inférieure à sa tendance de 4% pendant quelques années avant de revenir à l’équilibre. Dans la même lignée, dans un rapport, publié le 2 juin 2009 à Londres, le Centre for Economics and Business Research (CEBR) indique que l’Alena (Canada, États-Unis, Mexique) et l’Union européenne ne parviennent plus à produire la majorité du PNB mondial. La communauté transatlantique représentait 60 à 64 % de l’économie mondiale à son apogée, dans la période 1995-2004. Elle ne représentera que 49,4 % en 2009. La chute devrait se poursuivre, pour tomber à 45 % en 2012. Avis partagé la déclaration en date du 5 juin 2009 du président russe Dmitri Medvedev, lors du Forum économique international de Saint-Pétersbourg qui pense que la crise financière et économique internationale provoquera un « reformatage » du monde et modifiera le peloton de tête du développement économique. « En fin de compte, les leaders du développement économique changeront, tout comme le modèle de comportement dans la sphère économique et les modes de fonctionnement des marchés économiques. Il est vrai, les nouveaux modèles qui verront le jour au cours des prochaines années, devront prouver leur efficacité ».

2- Risque de conjonction de bulles financières et de bulles budgétaires 2013/2015

Souvent l’on ne différencie pas exactement ente le déficit budgétaire (flux) de la dette publique (stock), le déficit budgétaire étant la situation dans laquelle les recettes du budget de l’État sont inférieures aux dépenses, donnant un solde négatif et pour financer son déficit, l’État est obligé d’emprunter. La dette de l’État se définit quant à elle comme l’ensemble des emprunts effectués par l’État, dont l’encours (montant total des emprunts) résulte de l’accumulation des déficits de l’État. Aussi, elle ne doit pas être confondue avec la dette extérieure, (là aussi à ne pas confondre le principal qui est un stock avec le service de la dette qui est un flux), constituée de l’ensemble des engagements des agents économiques d’un pays (particuliers, entreprises..), et non seulement de l’État, vis-à-vis de prêteurs étrangers. Ces deux données, bien que différentes, sont liées : le flux du déficit budgétaire vient alimenter l’encours de dette, qui en retour agit sur le niveau de déficit par l’augmentation des intérêts versés, qui sont une charge (dépense) budgétaire, la succession des déficits favorisant l’apparition de nouveaux déficits. En effet, le gonflement de la dette provoque un effet « boule de neige » selon un processus auto-entretenu, la charge d’intérêt qu’elle produit conduisant à augmenter le déficit et donc à accroître encore l’endettement de l’État et la charge des intérêts. Dans ce cadre, le président de la Réserve fédérale Ben Bernanke déclare ( Reuters 03 juin 2009) que l’augmentation de la dette américaine contribue à faire monter les taux d’intérêt à long terme et qu’il est temps de commencer à travailler aux moyens permettant de réduire les déficits, rejoint par la présidente de la Banque de Réserve fédérale de Cleveland, Sandra Pianalto, à l’occasion d’une conférence devant des investisseurs et chefs d’entreprise le 8 juin 2009, je cite : « l ‘Etat américain, confronté à un important déséquilibre budgétaire, ne pourra pas poursuivre indéfiniment son soutien à l’économie. Il n’est ni possible ni souhaitable que les dépenses fédérales se maintiennent à un niveau aussi élevé ». Mais cela n’est pas propre aux USA comme en témoigne l’explosion des déficits budgétaires pour l’ensemble des pays européens sans compter les déficits des pays émergents. La reprise permettra t- elle d’absorber cette importante injection monétaire sans précédent dans l’histoire du capitalisme comme le postule la théorie keynésienne raisonnant au sein de structures élastiques et d’Etats Nations (relance de la demande globale, consommation et investissement) et le blocage n’est –il pas mondial (fait nouveau -interdépendance des économies), donc d’ordre structurel ? La solution ne pouvant qu’être globale et le risque n’est-il pas de s’orienter vers une hyperinflation à la Weimar à l’échelle planétaire, mais fait nouveau, conséquence à la fois de la combinaison cette fois de bulles financières et de bulles budgétaires ? C’est dans ce sens que les avertissements adressés aux banques centrales par la chancelière allemande Angela Merkel, les alertant contre le danger d’une politique inflationniste et surtout l’intervention de l’économiste Jacques Attali, connaissant fort bien le fonctionnement du système monétaire international, montrent des signes d’inquiétudes qui contrastent avec les déclarations rassurantes de bon nombre de dirigeants. Pour Jacques Attali devant le Forum international économique et financier (FIEF), en avril 2009 à Paris, le danger d’une hyperinflation semblable à celle de l’Allemagne en 1923 est réel. Je cite Jacques Attali : «depuis que le système de réserve fédérale (la FED) a perdu, en 1971, l’étalon de change-or, la garantie de l’Etat et tous les engagements relatifs à la masse monétaire qui leur sont liés, ses propriétaires privés ont vu la masse monétaire se multiplier par quarante en 30 ans seulement – alors que la croissance des biens n’était que de quatre fois. Le scénario du pire est vraisemblable, celui d’une grave dépression et d’une inflation importante. Je le dis comme je le pense : le monde n’est pas loin de s’engager sur le chemin d’un Weimar planétaire. Si le pire n’est pas certain, il n’en demeure que le scénario du pire est le plus probable ». Selon cet économiste, la dette totale des Etats-Unis, quand on additionne les acteurs privés et publics représentent en janvier 2008 l’équivalent de 350% du PIB américain, plus élevée qu’en 1929, quand elle n’a jamais dépassé les 300%. Un an plus tard, en janvier 2009, cette dette représente 500% du PIB et atteint 54.000 milliards de dollars. L’auteur énonce un autre chiffre inquiétant qui est le lien entre les encours et les fonds propres des banques. Les encours montent à environ 84.000 milliards et les fonds propres ne représentent que 4.000 milliards, c’est-à-dire un ratio de vingt. Cette proportion ne doit jamais dépasser les 15%, alors que pour certaines banques le ratio dépasse les 50. C’est que les difficultés du système bancaire s’expriment par la différence entre la valeur des banques en bourse et la valeur qu’ils affichent sur le papier, la valeur de certaines banques occidentales étant à peu près la moitié de leurs fonds propres, possédant des actifs toxiques qu’elles refusent de faire apparaître dans leurs comptes.

Dans une intéressante contribution au journal financier les Echos en date du 07 mai 2010 Mathieu Delouvrier président de Swensee sous le titre « les chiffres nous trompent sur l’endettement des Etats » je le cite : « l’information est souvent incomplète et peu fiable alors que l’Etat est chargé de tenir ses propres opérations et de tenir à jour les comptes de la nation, identifier ses ressources afin de mobiliser pour rembourser sa dette. Il s’agit principalement des impôts et taxes, excluant les revenus du secteur privé, qui sont déjà taxés, mais aussi ceux des collectivités locales ou des organismes de sécurité sociale. Dans la présentation budgétaire, les nouveaux emprunts sont la plupart du temps présentés en net, c’est-à-dire après déduction des remboursements. Cette analyse de l’opacité de l’information relative à la dette est argumentée pour les USA, dans une étude fouillée de Onubre Einz dans http://criseusa.blog.lemonde.fr/2010/05/01/ sous le titre « les Usa-sont insolvables ? ». Selon cet auteur, « les chiffres concernant la dette souveraine américaine ont une particularité, leurs citations s’accompagnant souvent des plus grandes confusions. La dette fédérale souveraine des USA était de 12.311 milliards de dollars (Md de $) au 31-12-2009, soit 86 % du PIB, la dette de marché constituée de titres négociables et non-négociables étant de 7.811 Md de $, soit 54% du PIB. C’est souvent elle qui est utilisée pour calculer le poids dépenses publique en % de PIB, alors que la part de la dette couverte par les excédents des fonds sociaux (Funds et Trust funds américaines) était de 4.500 Md de $ soit 31 % du PIB. Mal connue, cette partie de la dette souveraine étant souvent occultée, il s’ensuit que la dette des administrations étatiques et locales » (state and local governments) est de 2362 Md de $, soit 16 % et devrait être intégrée à la dette souveraine des USA car elle est un élément de l’endettement public du pays ». Et pour cet auteur de conclure : le chiffre de l’endettement public est donc de 14.673 soit 103 % du PIB. D’autres sources avancent pour éviter cette confusion que face à une dette extérieure grecque de 300 milliards d’euros, mais inclus la dette interne des industries et des institutions publiques envers les banques privée de l´ordre de 200 milliards €, celle des ménages de 400 milliards €, nous aurons 900 milliards d’euros soit plus de 1100 milliards de dollars, au moment du déclenchement de la crise, alors que le produit intérieur brut n’est que de 290 milliards de dollars. Cependant, il faut comparer le comparable pour calculer le niveau de la dette publique. Ainsi, en 2009, la France a cinq (5) millions de fonctionnaires pour 64 millions d’habitants, contre en Allemagne 3 millions de fonctionnaires pour 83 millions d’habitants. Mais attention à ce que l’on met dans la rubrique fonctionnaire du point de vue statistique : exemple en Suède sont considérés comme fonctionnaires seulement l’Armée, la police, la justice et une infime segments des services publics , tout le reste étant externalisé, donnant la priorité à la flexibilité de l’emploi , avec une exigence la qualité du service public du fait que le citoyen considère que le fonctionnaire est rémunéré grâce à ses impôts à la différence du modèle français où un fonctionnaire est supposé garder son emploi à vie. Toujours en termes de comparaison le niveau de la dépense publique varie selon que l’on externalise comme aux USA où l’épargne des ménages est relativement faible (dominance des assurances privées et retraites par capitalisation à travers les fonds de pension ) ou les internalise comme en France (dominance du système de répartition) où l’épargne des ménages est relativement élevée.

3- Risque d’amplification de la crise mondiale par l’endettement public des États

Selon la Fed américaine dans son rapport de juin 2010, le déficit US représentera 10% du produit intérieur brut (PIB) en 2010, se donnant pour objectif de le ramener à 5% du PIB d’ici 2013. Aussi, les analystes s’attendent à ce que la prévision de déficit soit légèrement inférieure aux 1.560 milliards prévus. Mais, si le déficit est révisé à 1.450 milliards de dollars fin 2010, il restera supérieur au record de 1.410 milliards enregistré en 2009. Mais beaucoup d’observateurs jugent que ce montant relève de la théorie compte tenu de l’ampleur de la récession dont le pays sort avec difficulté. Pour l’Europe, à l’occasion de son séminaire européen qui s’est tenu à Namur (Belgique) du 22 au 24 mai 2010, pour l’organisation CADTM, la dette publique européenne serait passée de 7300 à 8 700 milliards d’euros entre 2007 et 2009. Le bloc des cinq pays jugés fragiles de la zone euro – Portugal, Irlande, Grèce, Espagne, Italie – souffre de difficultés financières aigües. Quant au G7 pour CMA DataVision, au 31 décembre 2009, il totalise 30.000 milliards de dollars de dette publique depuis la crise. Des déficits qui commencent à inquiéter les marchés, des marchés nerveux, inquiets de la situation excessive de l’endettement public de certains pays Au-delà de la question économique, le dossier est devenu, avec le sauvetage en urgence d’Athènes, un enjeu politique majeur de la gouvernance et un danger pour la cohésion tant européenne que mondiale. La Grèce, pays de la zone euro, est devenue le deuxième pays le plus risqué au monde en matière de dette souveraine en 2010, juste derrière le Venezuela. Selon les statistiques données par le journal « Frankfurter Allgemeine début mai 2010, le ratio actifs / retraités est en forte baisse dans les pays industrialisés et si rien n’est fait, (supposant le retour à une croissance solide), au Japon, la dette publique représentera 300% du PIB en 2020, 200% au Royaume Uni, 150% en France, et pour des pays comme la Belgique, l’ Irlande, la Grèce, l’Italie et pour les Etats-Unis atteindrait 500% du PIB en 2040. A court terme, pour l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) dans son rapport de mars 2010, les trente pays les plus avancés du globe verront leur dette grimper jusqu’à 100 % de leur richesse produite en 2010, signalant le quasi-doublement de leur endettement en vingt ans, passant d’une crise des banques à une crise de l’endettement des Etats. Pourtant à la différence de bon nombre de pays, les USA peuvent monétiser leur dette « faire tourner la planche à billets du fait du dollar comme monnaie internationale expliquant les réticences à réformer le système monétaire international. Alors que la BCE voit cette possibilité interdite par ses statuts, encore que la dernière réunion du 11 mai 2010 consacrée à la dette grecque permet à la BCE d’acheter la dette publique dans la zone euro, une initiative sans précédent qui marque un revirement de la stratégie de la Banque centrale européenne, jusqu’alors opposée à une telle mesure.

Certes, pour toute comparaison fiable ,il faut relativiser en ramenant d’abord le PIB sur la population totale , le produit intérieur global de l’Europe étant de plus de 17.000 milliards de dollars moyenne 2009/2010 en 2010 contre 14.000 aux USA et qu’un taux de croissance se calcule à prix constants par rapport à la période antérieure donnant un taux de croissance faible si le taux de croissance antérieur était faible devant raisonner à prix constants et d’introduire un indicateur beaucoup plus fiable que le PIB , qui est l’indice du développement humain (IRH)( voir notre autre contribution dans ce présent ouvrage). D’où l’importance d’éviter le mythe, du moins à court terme que la résolution de la crise mondiale proviendrait de la Chine, en étant conscient d’un bouleversement géostratégique horizon 2015/2020, des pays émergents ( Brésil, Chine, Inde Russie ) qui ont misé sur la maitrise de la connaissance pilier du développement du XXIème siècle, avec une meilleure gouvernance. Certes, la Chine est devenue depuis fin juillet 2010 la deuxième puissance économique mondiale dépassant de peu le Japon confronté à un nouveau ralentissement de sa croissance, alors qu’en 2005 le PIB chinois était équivalent à la moitié, seulement, de celui du Japon.. Mais attention aux illusions de court terme, le PIB par tête d’habitant qui avec 3 600 dollars (2 800 euros) en janvier 2010, représente moins de 10% de celui des Américains avec 46 000 dollars (36000 euros) et l’indice du développement humain donne encore un écart plus important. Le Quotidien du Peuple, organe du parti communiste chinois, faisait observer en novembre 2009 que moins de 1% des familles chinoises disposaient d’un revenu équivalent ou supérieur au revenu moyen des familles américaines, tandis que des dizaines de millions d’autres sont encore sous le seuil de la pauvreté. La Chine, avec ses 1,3 milliard d’habitants, se retrouve avec le PIB par habitant du niveau des pays pauvres de la planète, avec de profondes disparités de richesse : les trois décennies de réformes économiques ont en effet creusé le fossé social. Certes , la Chine a un marché intérieur potentiellement important mais réellement encore limité avec un taux de croissance tiré par la dépense publique dépendante fortement pour ses exportations d’une reprise économique de l’Europe et des USA. Donc, tout dépendra à l’avenir de l’évolution du pouvoir d’achat (extension de la demande solvable) fonction de l’extension des couches moyennes d’où l’importance face à la crise d’analyser la stratégie américano-chinoise, la stratégie des pays à fonds souverains et de la finance islamique.

TROISIÈME PARTIE
Stratégie américano- chinoise face à la cotation du dollar, fonds souverains et finance islamique

1- Stratégie américano- chinoise face à la cotation du dollar

 

Outre les rivalités sino-américaines pour le contrôle des matières premières notamment en Afrique, sans parler de l’Europe, la cotation du dollar influe effectivement sur le pouvoir d’achat des exportations chinoises libellées en dollars. En effet, la cotation du dollar par rapport à l’euro malgré une légère appréciation entre avril et aout 2010, cette politique de dépréciation du dollar correspondant à une politique volontaire de baisse du dollar afin d’essayer de réduire le déficit commercial et de limiter la valeur réelle des USA de leur endettement mondial libellé en dollars. Car, une forte remontée du dollar face aux principales monnaies mondiales, supposerait une forte hausse des taux d’intérêts de la Fed et une baisse de la création monétaire, en contradiction avec le programme du nouveau président US dans la mesure où toute appréciation aurait pour conséquence le frein du marché immobilier (crédits inabordables du fait d’une hausse des intérêts sur les ménages endettés à taux variables), la consommation américaine pouvant être freinée avec le risque d’accélération des faillites des entreprises. Cependant au vu des perspectives tant de l’économie mondiale que de l’économie américaine, il est attendu que la Fed relève dans un proche avenir son taux d’escompte mais d’une manière graduelle. En effet, selon le président de la FED, dans un discours publié le 12 février 2010 reproduit sur le site de la banque centrale américaine « sous peu, nous nous attendons à envisager une hausse modeste du spread entre le taux d’escompte et le taux des Fed funds. Cet écart, de 100 pb, a été ramené à 25 pb lors du déclenchement de la crise financière. Les Fed funds sont aujourd’hui à 0-0,25% et le discount rate, taux auquel les banques commerciales peuvent se financer directement auprès de la Réserve fédérale, à 0,50% ». Ce dernier pourtant devrait donc augmenter, mais sans grande conséquences. La Fed peut notamment augmenter le taux d’intérêt versé sur les réserves des banques, ce qui amènerait ces dernières à accroître d’autant les taux qu’elles demandent sur le marché monétaire ». Cette politique monétaire des USA est intiment lié au fonctionnement actuel du système monétaire international.
Selon Hélène Rey professeur à la London Business School dans une contribution aux échos parisien le 22 mai 2009, avant 1971, date à laquelle ou existait une relations directe entre la parité du dollar et le stock d’or (parité fixe contenu dans les accords de Breeton Woods) cette parité ayant été remplacée par des taux de change flexible par la suite , les investissements américains à l’étranger étaient d’environ 10 % du PIB des Etats-Unis, prêtant au reste du monde , sa position extérieure n’excédait pas 4 % du PIB et les avoirs et dettes externes des Etats-Unis ne dépassent pas 15 % du PIB américain . Avec la crise des prêts hypothécaires d’août 2007, les actifs étrangers détenus par les Etats-Unis s’élevaient à 122 % de leur PIB en actifs étrangers et leur dette au reste du monde à 135 %. L’endettement net extérieur a été la résultante des déficits de la balance commerciale américaine accumulés depuis les années 1980. Pour cet auteur, je la cite : « les Etats-Unis d’avant la crise ressemblent à une banque d’investissement qui se finance massivement en émettant de la dette et investit de façon colossale en actifs risques étrangers (stocks, investissements directs). Ce faisant, les Etats-Unis obtiennent un rendement élevé sur leurs actifs et se refinancent à bas pris sur le marché de la dette, ayant profité de l’engouement mondial pour les bons du Trésor américain. Ils encaissent ainsi la différence de rendements. Mais lorsque les prix des actifs et de la dette deviennent volatils, la valeur du portefeuille externe des Etats-Unis devient encore plus volatile en raison de l’effet de levier. C’est exactement ce qui se passe dans la crise actuelle ». Justement, concernant les bons de trésor représentant environ 45 % de la dette totale externe des Etats-Unis, ils sont concentrés surtout au niveau de la banque centrale de Chine. Au mois de juin 2010, sur 2450 milliards de dollars de réserves de change chinois une grande partie est libellée en dollars. Malgré certaines déclarations contre l’hégémonie du dollar, la Chine continue à être un gros acheteur de bons du Trésor. Ainsi, la crise a rendu de facto l’économie américaine encore plus dépendante de la Chine des Etats Unis et la Chine plus dépendante des USA car toute contraction de la demande affecte les exportations chinoises. Mais est ce que cette situation pourra continuer à l’avenir ? Tout dépendra de l‘attitude de la Chine, premier créancier des Etats-Unis et tout le problème est le suivant, les chinois continueront-ils à acheter des bons du Trésor des Etats Unis ? C’est que la Chine veut renforcer sa lutte contre les fonds spéculatif selon l’administration des changes (SAFE) , cette annonce d’un renforcement de la répression contre les fonds spéculatifs faisant suite à la décision prise en juin 2009 de restaurer une marge de 0,5% de la fluctuation de la monnaie chinoise par rapport au dollar, autour d’un cours pivot fixé quotidiennement., cette appréciation du yuan risquant d’attirer davantage les fonds spéculatifs qui alimenteraient l’inflation. L’Administration des changes a enfin dévoilé qu’elle voulait étendre la diversification du placement pour les réserves de devises en tenant compte de la baisse de la cotation du dollar. Comme impact de cette dépréciation du dollar, le président brésilien estime que son pays et la Chine vont parvenir à avoir des échanges bilatéraux dans leurs monnaies respectives, sans passer par le dollar, selon la déclaration de Luiz Inacio Lula da Silva le 19 mai 2009 à Pékin, rapporté par China Daily. Mais paradoxalement si la Chine suspend l’achat de bons du Trésor, la valeur de ses avoirs libellés en dollars baissera fortement affectant par ricochet sa situation économique et donc ses exportations. Qu’en sera t-il si la dépréciation du dollar devait continuer dans le temps et l’achat récent des droits de tirages spéciaux (DTS) émis par le FMI par la Chine mais également par l’Inde, n’inaugure t –elle pas un changement de la politique monétaire en rappelant que la valeur du DTS a été fixée initialement à 0,888671 gramme d’or fin, ce qui correspondait alors à un dollar EU et qu’ après l’effondrement du système de Bretton Woods, en 1973, la valeur du DTS a été déterminée par rapport à un panier de monnaies, qui comprend actuellement le dollar EU, l’euro, la livre sterling et le yen, représentant donc une valeur d’un panier de monnaies , le dollar avec seulement 41% et les autres monnaies 59%. Mais il faut être réaliste bien qu’en diminution relative, le dollar continue toujours d’être la monnaie internationale une référence dans les transactions mondiales et à court terme il est utopique de prédire son remplacement. C’est dans ce cadre de l’impact de la crise, qu’il convient d’examiner les fonds souverains et l’extension de la finance islamique dont les montants sont souvent libellés en dollars.

2- La crise mondiale et les fonds souverains

Le fonds souverain (sovereign wealth funds), dont le premier a été créée au Koweit en 1953 ou fonds d’État, est un fonds de placements financiers (actions, obligations.) détenu par un État. Les fonds souverains gèrent l’épargne nationale et l’investissent dans des placements variés (actions, obligations, immobilier, etc.). Dans une acception restreinte, les fonds souverains désignent spécifiquement « les avoirs des Etats en monnaies étrangères » et dans une acception plus large, « tous les fonds d’investissement détenus par un État tirant leurs ressources des banques centrales » (Chine), des réserves pour les retraites (Norvège) ou des recettes des hydrocarbures ( Russie, et les pays du Golfe). L’envolée du cours du pétrole surtout entre 2007/2008, a conduit à une remarquable aisance financière qui s’est traduite pour les pays arabes par d’importants excédents de leurs balances des paiements, le désendettement, (Russie, Algérie), le lancement de mégaprojets et l’accumulation d’énormes réserves de change. Les fonds souverains sont devenus des acteurs importants de l’économie, mondiale gérant par exemple deux fois plus d’actifs que les hedge funds et leur nombre s’accroît d’année en année se répartissant ainsi en moyenne 2007/ juin 2008 : Emirats Arabes Unis : 27% -Arabie Saoudite 11% -Norvège 11% -Singapour 15% -Koweït 8% -Chine 7% -Russie 5% Autres 7%. Plusieurs études ont été réalisées sur les fonds souverains toujours avant la crise d’octobre 2008 portant sur l’Arabie Saoudite, le Bahreïn, les Emirats Arabes Unis e tla Norvège. Abu Dhabi avec deux fonds souverains l’ADIA (Abu Dhabi Investment Authority avec 875 milliards de dollars et accessoirement Mubadala Development Company fugurent parmi le leader dans ce domaine sans oublier Saudi Arabian Monetary Agency qui est le fonds d’investissement de la banque centrale saoudienne avec 221 milliards de dollars d’actifs pour la même date qui est appelé à se développer du fait des importantes réserves de change ce pays. Rappelons la participation avant la crise par la Qatar Investment Authority de 20% du London Stock Exchange pour 1,36 milliard et l’achat, à la même date, par la holding publique Borse Dubaï de 28% du London Stock Exchange et de 19,9% du Nasdaq ». la MubadalaDevelopment Co, créée par Abou Dhabi, l’achat pour 1,35 milliard 7,5% du Carlyle Group » et on peut citer d’autres exemples. Citons le cas spécifique du fond norvégien ( » Norwegian Wealth Fund « , NWF) qui a été créé pour pallier la diminution de la rente énergétique à moyen terme qui est l’un des plus importants fonds souverains au monde, ayant des participations dans plus de 3000 entreprises dans plus de 40 pays possédant 1,7 % des actions européennes , 1 % de celles du monde entier ,ayant des participations dans plus de 8 000 entreprises, dont Shell, Nestlé, HSBC ou Total et étant le premier investisseur du CAC 40, gérant également environ 13 milliards de dollars des dettes britanniques et américaines. Aussi, la stratégie des fonds souverains cités, mais également de l’ensemble des fonds souverains dont la Russie à travers la stratégie de Gazprom, les fonds chinois s’orientent de plus en plus vers des investissements financiers, la participation au capital d’entreprises occidentales voire leur prise de contrôle. Mais contrairement à une idée faussement répandue, avec 3 300 milliards de capitalisation estimée juste avant la crise d’octobre 2008, car ayant perdu depuis de leur valeur du fait des chutes des bourses mondiales, selon le rapport d’information du Sénat français n° 336 en date de mai 2008, ils sont encore d’un poids assez réduit face au 190 000 milliards de capitaux investis dans le monde en 2007 (chiffres établis par le FMI) et bien loin de la capitalisation du NYSE (Wall Street) estimée à 15 000 milliards de dollars ou des actifs gérés par les investisseurs institutionnels dans les pays développés (environ 53 000 milliards de dollars en 2007) ou bien par les banques (63 500 milliards de dollars.
Pourtant, ces fonds ont joué le rôle de sous pape de sécurité après la crise hypothécaires d’août 2007 en refinançant plusieurs banques internationales en difficultés en mal de cash, comme Morgan Stanley, Barclays, Merrill Lynch ou UBS et donc indirectement les fonds de la Chine et d’ Abu Dhabi ont permis d’atténuer les chocs de Wall Street ou de la City de Londres sans compter les nombreuses prises de participation dans différentes sociétés mondiales. Parallèlement, ces fonds ont permis de rééquilibrer l’important déficit de la balance de paiement américaine. Et en gardant leurs réserves en dollars notamment les pays arabes avec d’autres pays comme la Chine contribuent à éviter un dérapage, malgré le déficit budgétaire important américain, du dollar par rapport à certaines monnaies clefs comme l’euro. Cependant face à ces fonds souverains, les Etats-Unis ont adopté une législation visant à empêcher ces fonds de contrôler des secteurs affectant leur sécurité nationale. En Allemagne, en France et aussi en Grande-Bretagne, on envisage de telles mesures de défense. Rappelons en 2005, les USA ont essayé d’interdire à l’opérateur portuaire Dubai Ports World de mettre la main sur les cinq terminaux qualifiés de « stratégiques » et pour l’Europe la commission économique évoque la possibilité de recourir aux actions préférentielles pour protéger les entreprises stratégiques. Dans le cadre de règles mondiales de gouvernance applicables aux fonds souverains, le FMI travaille à l’établissement de codes de conduite pour les régir afin de garantir la transparence de l’origine de ces fonds. En effet, en octobre 2008, les pays développés ont adopté une charte de bonne conduite sous l’égide du FMI, baptisée  » Principes de Santiago « , qui compte 24 règles concernant notamment la transparence et l’audit externe des fonds souverains.

3- La crise mondiale et la finance islamique

La finance islamique a bien résisté à la crise financière mondiale. Grace à une véritable traçabilité de ses transactions et du fait de son appartenance au compartiment des finances dites « éthiques « , elle a pu concilier le risque de spéculation et le risque systémique en jouant la carte de la sécurité, essayant à la fois de pallier les besoins de consommation et ouvrir de nouveaux marchés pour l’assurance ou la banque de détail, brassant des flux de 840 milliards de dollars avec une croissance annuelle d’environ 15 % en 2009 selon Anass Patel, président de l’Aidimm. Le marché de la finance islamique mondiale pourrait atteindre les 1 000 milliards de dollars dès 2010 et beaucoup plus par la suite d’après les spécialistes. Plus de la moitié de ce marché est détenue par les banques commerciales, le reste du marché étant composé des boutiques de banques d’affaires pures comme les fonds de capital-investissement ou immobiliers, des fenêtres islamiques des banques conventionnelles internationales et des produits islamiques tels que le takaful (assurance), des sukuk (titres d’investissement). Il faut dire que la finance islamique promeut l’investissement dans des actifs tangibles : les investissements doivent être adossés à des actifs réels. Au-delà de ce premier critère discriminant, les financiers musulmans ne dérogent pas à une règle d’or : le banquier n’est pas prêteur mais co-investisseur et donc partenaire du projet financé, ses revenus correspondant à une quote-part des résultats issus du projet financé. L’exigence d’un audit approfondi des potentiels projets à financer ainsi que l’accompagnement des entrepreneurs pendant les phases de recherche, de lancement et de vie de projet permettent d’atténuer le risque selon le principe des 3P (Partage des Pertes et Profits) conduisant de manière systématique le banquier (investisseur) à une vigilance accrue quant à la pertinence du projet financé. La différence de comportement entre l’investisseur « islamique » et l’investisseur « classique » en matière de bourse pourrait être explicitée en deux points. Le premier est investisseur à moyen et long termes, l’autre est, le plus souvent, spéculateur de court terme, profitant des écarts de cours sur un titre. D’ailleurs certains savants musulmans ont pu émettre l’idée de cycle d’investissement concernant l’achat d’actions. La durée de détention d’un titre d’une société intervenant dans le domaine agricole pourrait correspondre au temps nécessaire pour semer, récolter et commercialiser. La décision de vente du titre sera alors justifiée par une véritable stratégie d’investissement mesurée par le retour sur investissement post cycle de récolte.
QUATRIEME PARTIE
Sans croissance, l’inflation est –elle la solution pour éponger la dette publique, limite des politiques monétaires classiques et a-t-on tiré toutes les leçons de la crise d’octobre 2008 ?

1-Sans croissance, l’inflation est–elle la solution pour éponger la dette publique ?

Concernant la situation spatio-temporelle de la dette publique, les différents Etats au cours de leur histoire ont souvent eu recours à la dette pour faire face à de fortes dépenses, comme les guerres par exemple, mais après des périodes de fortes augmentations, la part de la dette dans le PIB a été rapidement réduite, principalement en raison d’une forte hausse de l’inflation qui réduit la valeur réelle de la dette et d’une croissance forte du PIB. Le recours à la dévaluation a également été pratiqué, y compris à des moments de l’histoire où la monétisation des échanges n’était pas forcément la règle. En effet, les Etats développés misent sur une forte croissance pour pouvoir réduire les déficits budgétaires et diminuer l’endettement public, mais si la croissance ne dépasse pas 2% par an en termes réels dans les années à venir, comment rembourser la dette? Certes existant d’autres options pour réduire la dette publique comme la pression fiscale ; mais le risque est la récession à la lumière de l’expérience nipponne de 1996 de la réduction des dépenses publiques et se heurtant aux mouvements sociaux. Alors certains évoquent le recours à l’inflation comme une solution. Selon l’INSEE (2009) pour la France un point d’inflation en plus donne autant de recettes fiscales qu’un point de croissance supplémentaire et dans sa note de conjoncture de mai 2010 la Deutsche Bank note qu’une accélération de l’inflation de 2 à 8% entraînerait une baisse de 21% de la valeur de la dette publique mais avec le risque d’une inflation élevée compte d’une hausse inévitable du taux d’intérêt des nouvelles obligations. Mais l’inflation ne se décrète pas et est le produit de la régulation Or, à la différence de la période historique des Etats Nations, l’économie actuelle est globale et surtout l’introduction des pays émergents à très forte population comme la Chine, l’Inde, le Brésil dont le cout salarial est extrêmement bas , explique que les banques centrales ont beau injecter des centaines de milliards de liquidité contribuant certes à des bulles d’actifs détruisant ainsi la liquidité injectée mais ayant un impact limité sur le processus inflationniste. Et le risque de l’hyperinflation évoquée précédemment par Jacques Attali ne peut se produire que si les couts salariaux des pays émergents approchent le niveau des pays développés et ce dans le cadre de l’hypothèse d‘une croissance faible nous renvoyant à la fameuse théorie des années 1970 de l’échange inégal d’Emmanuel .Dès lors, l’inflation afin de réduire l’endettement ne peut provenir que de la mise en place des taxes à l’importation expliquant les mesures récentes d’une taxe carbone, des droits et taxes des USA et de l’Europe. Comme conséquence, si le scenario du repli sur soi se réalise, l’on pourrait assister à plus d’inflation, de croissance mais à court terme dans le cadre d’Etats Nations pris individuellement , permettant une dette publique maîtrisée et ce durant une courte période , mais avec le risque d’une implosion de l’endettement à moyen et long terme, la période pouvant être rallongée pour le cas de la Chine ou l’Inde du fait de l’importance de leur marché intérieur mais avec des pertes de gain de compétitivité. Ces mesures protectionnistes et certaines dévaluations ou réévaluations par zones ne pouvant se faire que lorsque la monnaie est autonome -dollar, livre sterling, yen , Yuan, mais pas individuellement au niveau de chaque pays de la zone euro puisque la monnaie est commune expliquant le dilemme grecque, s’ils ont un impact sur la relance de l’économie interne à chaque zone (re- localiser du travail quitte à ce que les produits soient plus chers), ne feront que diminuer la taux de croissance à l’échelle mondiale pénalisant d’ailleurs les pays pauvres et émergents à moyen terme. Or, même la Chine connaissant un déficit budgétaire de 750 milliards de yuan ($109 Md) en 2009 contre 570 milliards yuan ($83 Md) en 2008, du fait de l’important plan de relance par la dépense publique a pris des mesures récentes afin de parer au risque d’un processus inflationniste incontrôlé. En effet, la Banque centrale de Chine a annoncé le 11 février 2010 un nouveau relèvement du taux de réserves obligatoires des banques et les autorités souhaitent renforcer le contrôle du crédit.

2- A-t-on tiré toutes les leçons de la crise des prêts hypothécaires d’août 2007 ?

D’une manière générale, pour résumer cette première partie, les thérapeutiques sur les perspectives de sortie d la crise sont contradictoires entre les partisans de l’orthodoxie monétaire et les partisans de la relance par le déficit budgétaire. Ainsi, « la grande majorité des économistes s’accorde aujourd’hui sur la nécessité d’asseoir la macroéconomie sur des fondements microéconomiques. » selon Valérie Mignon professeur de sciences économiques à l’université Paris-X et conseiller scientifique au Cepii., je cite : « voir les phénomènes de bulles et de surendettement est une chose, anticiper les crises en est une autre ; les économistes sont mal armés pour analyser le systémique et les phénomènes d’anticipation collective qui provoquent une crise », reconnaît Patrick Artus, directeur des études économiques de Natixis, bien que la crise a modifié les comportements par une prise de conscience que la boîte à outils doit changer, que les modèles mathématiques ne permettent pas de prévoir les crises, les économistes devant avoir une approche pluridisciplinaire et travailler plus avec les sociologues et les spécialistes de l’opinion ». Et selon Xavier Timbeau, directeur du département analyse et prévision de l’OFCE, « nous ne sommes pas mieux armés, alors que l’Europe, « fin 2008, le message était encore de dire que l’Europe serait peu touchée, alors qu’elle était déjà entrée en récession à l’été, en même temps que les Etats-Unis. » La crise a également relancé le débat sur la façon de mener les politiques conjoncturelles prédit Xavier Timbeau. Mathilde Lemoine, directrice des études économiques chez HSBC France. L’Américain Paul Krugman néo-keynésien qui a obtenu, en 2008, le prix Nobel d’économie pour ses travaux sur le libre échange et la mondialisation, a dénoncé dans sa colonne quotidienne du New York Times le 19 aout 2010 le culte de « dieux invisibles » dans les appels à réduire les dépenses budgétaires pour contrer la hausse de la dette publique dans les pays occidentaux. Les dieux invisibles sont selon M. Krugman les investisseurs sur le marché des emprunts d’Etat, dont il trouve l’influence exagérée, invoquant selon lui les conséquences catastrophiques des programmes d’austérité en Grèce et en Irlande. Toujours selon le même économiste, dans sa conférence le 10 août 2009 à Kuala Lampur (Malaisie) devant un forum international des chefs d’entreprise « le monde a échappé à une grande dépression mais cela va prendre au moins deux ans minimum sinon plus avant que l’économie mondiale ne se redresse totalement sous réserve de thérapeutiques efficaces ce qui n’est pas évident et que même si le pire de la crise financière soit passé, le monde fait face maintenant à un ralentissement économique durable ». Et à une question posée, il affirmera humblement que les gouvernants et les économistes sont désemparés faute d’un nouveau modèle tenant compte de la complexité du monde actuel.
Ces conflits des doctrines ayant des impacts sur les politiques économiques est résumé par Nouriel Roubini économiste professeur d’économie à l’Université de New York qui avait prédit avec précision en 2006 la crise d’octobre 2008, dans son dernier ouvrage ( 2010) en collaboration avec Stephen Mihm, professeur d’histoire à l’Université de Géorgie qui redoute qu’un retour prématuré à la discipline budgétaire n’étouffe la reprise économique qui s’amorce, mais le problème des dettes publiques excessives n’étant pas la solution, et ce à partir d’une analyse poussée des différentes doctrines économiques entre les «keynésiens», les «marxistes», les «néo-libéraux» les «monétaristes» dont Milton Friedman et ses disciples , les Chicago Boys et les «Autrichiens» donc une profonde divergence de la théorie économique face à la crise, interprétant chacune les événements économiques d’après leur conception de l’homme et du monde et de conclure , je le cite : « seule une méthode globale permet de comprendre la crise. «Il nous faut déposer notre idéologie au vestiaire et considérer le problème calmement. Les crises peuvent prendre des formes très diverses et ce qui est adéquat dans une situation déterminée peut ne pas fonctionner dans une autre. La situation actuelle est insupportable et dangereuse et conduira au chaos si l’on n’entreprend pas de réformes profondes. Si les Etats-Unis ne mettent pas de l’ordre dans leur budget et ne font pas davantage d’économies, ils vont au-devant de problèmes douloureux. Pour l’Europe, des pays comme la Grèce, l’Italie, le Portugal et l’Espagne seront tôt ou tard menacés d’insolvabilité et l’Union européenne redoutera tôt ou tard que ces pays ne sombrent dans un chaos semblable à celui de l’Argentine en 2002 et de l’Islande en 2008. Ces chocs vont bouleverser une nouvelle fois l’économie mondiale. Mais en comparaison du ‹grand séisme› que représenterait un effondrement rapide et incontrôlé du dollar, ces événements paraissent anodins.»
Pour preuve de cette mésentente entre les économis

es, des propositions qui ne s’attaquent pas à l’essentiel lors des différentes réunions du G20 tenues à Londres et à Pittsburg entre 2009/2010 composées du G8 et des 12 autres pays dont l’Espagne en tant qu’invité, de l’Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Mexique, Turquie représentant 85% du PIB mondial et 2/3 de la population mondiale. Certes, les actions concrètes proposées se sont articulées autour de cinq objectifs :
-premièrement de dégager une réponse commune à la crise financière ;
-deuxièmement ouvrir les pistes d’une réforme en profondeur du système financier international par un « code de bonne conduite »;
-troisièmement prendre de nouvelles initiatives pour parer à d’éventuelles faillites bancaires et imposer aux banques de nouvelles normes comptables ;
-quatrièmement des règles plus strictes sur les agences de notation, la titrisation et les parachutes dorés ;
-et enfin cinquièmement accroître les dépenses publiques à travers des déficits budgétaires coordonnées/ciblés et enfin le renforcement du système de régulation qui ne saurait signifier protectionnisme, en attendant la reprise par l’entreprise privée. Mais, ces réunions ont évité d’aborder des sujets qui fâchent comme la suprématie du dollar, la refonte des relations économiques et financières internationales. Elles ne sont pas parvenus à avancer sur des sujets aussi complexes tel que la protection de l’environnement (suite logique du résultat mitigé de la réunion de Copenhague), la régulation des produits dérivés, le projet d’une taxe sur les transactions financières (divergence entre les USA et l’Europe à Toronto) et le rythme de retrait des plans de relance. Ces difficultés posent clairement la question de la méthode de gouvernance mondiale et du processus de prise de décision à vingt pays. Or, outre le fait de se poser la question si face à la crise mondiale qui est structurelle et non conjoncturelle, les politiques contradictoires en l’espace de deux années, des dépenses publiques dites néo-keynésiennes avec un rôle central à l’Etat régulateur courant 2009 et celles plus monétaristes depuis le début 2010 avec les restrictions budgétaire, s’avèreront-elles efficaces ? Le prix Nobel d’économie de 2001 Joseph Stiglitz estime que ces actions ne sont qu’une solution à court terme les comparant à «une transfusion sanguine massive à une personne souffrant d’une grave hémorragie interne». Comme le note avec pertinence l’économiste Jean Marc Vittori dans le financier français les Echos en date du 10 juin 2009, je cite ; «il flotte comme un étrange parfum d’irréalité. Alors que le monde entier affronte une profonde récession après avoir encaissé un choc financier colossal, tout se passe comme si la page avait déjà été tournée. Même s’il serait plus agréable de proclamer que la crise est finie, force est de constater qu’elle ne fait que commencer. La dette fait des trous partout, dans les comptes des entreprises, des particuliers, des Etats. Nous nous comportons comme un malade qui sortirait de l’hôpital juste après avoir réchappé d’un infarctus, sans avoir changé ni son régime alimentaire ni son mode de vie, sans même avoir fait les examens nécessaires pour vérifier qu’il ne court plus de risque à court terme. Nous n’avons pas tiré les leçons de la crise. Au risque de subir très vite un choc encore plus grand ». Car les gouvernements n’ont pas voulu examiner les origines de la crise, et d’autre part, ils ne sont pas prêts à renoncer aux « instruments financiers novateurs (LBO, dérivés, titrisations,) qui sont en partie à l’origine de la crise ». Ce retour aux parachutes dorés est mis en relief par Günther Bräunig, membre du conseil de la Banque de reconstruction allemande (KfW), lors d’une conférence sur la finance à Francfort, le 06 juin 2009, pour qui les banques recommençant à nouveau offrir des titrisations, c’est-à-dire la vente d’obligations de crédit qui leur sont liés, en faisant miroiter de fortes rémunérations, qui ne sont offertes que sur les marchés à très hauts risques.

CINQUIEME PARTIE

Urgence d’un nouveau modèle de consommation énergétique au niveau mondial et l’atténuation de la bipolarisation des inégalités Nord/Sud

1- Urgence d’un nouveau modèle de consommation énergétique

 

Pour éviter une crise planétaire, doit être prise en compte la protection de l’environnement pour un développement durable tel que défini par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, dans le Rapport Brundtland, « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs », consistant aussi à partager la responsabilité a travers les partenariats, débats, innovation, pérennité, réversibilité, solidarité sociale, géographique et entre générations. A cet égard, nous ne pouvons que rendre hommage aux mouvements écologistes qui n’ont cessé d’alerter les gouvernements et les opinions sur les dangers inhérents à une consommation d’énergie débridée et ont réussi à convaincre de la nécessité d‘opter pour un développement qui puisse répondre aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. La bonne gouvernance devra prendre en compte cette richesse et l’organiser, dans une optique d’équité. Somme toute, l’objectif est d’aboutir à une prise en compte conjointe des impératifs économiques, techniques et sociaux. La gouvernance institutionnelle permettra, conjointement avec le management d’entreprise, une meilleure prise en compte du développement durable en considérant simultanément toutes les dimensions du développement économique et du progrès social. Parmi les objectifs du développement durable, l’accroissement de l’efficacité économique basé sur l’efficacité énergétique avec la nécessité de réduire les émanations de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Il s’ensuit que la réponse à ces nombreux défis ne peut être que globale Dans ce cadre, il est utile de préciser que certains pays font des efforts dans ce domaine. Sans compter sur le projet français au sein de l’union pour la Médierrannée et le projet Désertic dont le cout est évalué à plus de 500 milliards de dollars, selon une étude qu’a publiée l’Office fédéral de l’environnement (UBA) sur la production publiée en juillet 2010, l’Allemagne serait à même d’assurer 100 % de son approvisionnement en électricité grâce aux seules énergies renouvelables d’ici à 2050.Ce scenario contredit une contribution pessimiste parue la mi septembre 2010 des forces de sécurité allemandes qui prédisent des luttes pour contrôler les réserves énergétiques du Moyen Orient à l’horizon 2020/2030. Dans le premier scénario étudié, chaque région utiliserait au mieux son potentiel en éolien, solaire, ou encore hydroélectrique, et les mieux loties approvisionnent celles qui ont moins d’atouts naturels. On estime en 2009, 40 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Allemagne proviennent de la production d’électricité, la part des renouvelables dans le bouquet énergétique du pays étant de l’ordre de 17 %. Dans la même lignée, le rapport Charpin (2010) sur la filière solaire en France à la demande du gouvernement français , qui pourtant privilégie le nucléaire, préconise de dépenser moins en subventions (pour les panneaux solaires notamment) mais plus pour la recherche, et demande que le fonds d’investissement consacré soit de 100 à 150 millions d’euros dans une première phase d’urgence (contre seulement 26 millions d’euros en 2009) afin de créer une filière industrielle capable de rivaliser avec la Chine et l’Allemagne et se libérer des énergies fossiles horizon 20320/2030 et de respecter son engagement européen de disposer de 23 % d’énergie renouvelable en 2020, alors qu’elle atteignait 14 % en 2009.

Car le plus inquiétant pour l’avenir est l’Inde et surtout la Chine, cette derrière ayant consommé en 2009, 2.252 millions de tonnes équivalent pétrole (tep), soit 4 % de plus que les Etats-Unis (2.170 millions de tep). Ces chiffres, révélés selon le site du « Wall Street Journal », données qui seront publiés en novembre 2010 dans le rapport annuel de l’AIE, le World Energy Outlook, alors que selon les précédents rapports de l’AIE, ce dépassement était prévu en 2015, cela étant due à la crise, (récession de l’économie américaine) mais aussi à une demande chinoise du fait de sa fore croissance, cette dernière activant dans la recherche pour le gaz non conventionnel les énergies renouvelables dont selon certaines prospectives elle deviendrait leader. En effet, pour assurer son développement, la Chine aura besoin de 4.000 milliards de dollars d’investissements énergétiques dans les vingt ans à venir. Pour les USA, le programme du président Barack Obama prévoit 200 milliards de dollars dans énergies renouvelables. Pour l’Europe. dans une étude intéressante publiée par la commission économique européenne en date du 17 aout 2010, réalisée par Jean Marc OLLAGNIER directeur général du secteur Energie et ressources naturelles en Europe, il est mis en relief que depuis des années, l’Europe concentre son action sur la production et soutient massivement l’éolien, le solaire et le captage-stockage du carbone et pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de CO2 et de la consommation d’énergie fixés par l’Union européenne pour 2020, l’Europe aura besoin de près de 890 milliards d’euros en plus des investissements habituels. Par exemple, les aides pour la filière solaire et éolienne devraient atteindre respectivement 85 milliards et 67 milliards d’euros au cours de la prochaine décennie, tandis que les coûts en crédits carbone pour la production d’électricité seront supérieurs à 200 milliards d’euros. Les nouvelles capacités de production représenteront 40 % des 890 milliards d’euros estimés, dont les deux tiers consacrés à l’éolien, au solaire à la biomasse et à l’hydraulique – la part des énergies renouvelables sera ainsi portée à 30 % en 2020. Mais le rapport souligne qu’il faut impérativement une généralisation de ces technologies pour réduire sensiblement les couts. Je cite le rapport : « au total, le coût global des objectifs de l’Union européenne pour 2020 se traduira par une augmentation moyenne de 25 % de la facture d’électricité des ménages européens ». Et de poser cette question : « dès lors, comment l’Europe peut-elle arriver à résoudre la difficile équation d’accélérer sa transition vers une économie décarbonée tout en en réduisant le coût ? »

2- Urgence de l’atténuation de la bipolarisation des inégalités Nord/Sud

L’émergence d’une économie et d’une société mondialisées et la fin de la guerre froide depuis la désintégration de l’empire soviétique, remettent en cause la capacité des États- nations à faire face à ces bouleversements. Les gouvernements à travers les États-Nations – et la crise actuelle en est la démonstration, sont désormais dans l’impossibilité de remplir leurs missions du fait de la complexification des sociétés modernes, de l’apparition de sous-systèmes fragmentés, de l’incertitude liée à l’avenir et de la crise de la représentation politique, d’où l’exigence de s’intégrer davantage dans un ensemble plus vaste pour pouvoir répondre aux nouvelles préoccupations planétaires. Se pose donc cette question : les institutions internationales telles que le FMI ou la Banque Mondiale, les organisations multilatérales telles que l’OCDE et les organisations à vocation universelle comme les Nations Unies et ses organes subsidiaires (UNESCO, FAO, …) peuvent –elles servir de régulation mondiale? En l’absence d’institutions internationales réformées tenant compte des nouvelles mutations mondiales et notamment des pays émergents, capables de prendre le relais de la souveraineté étatique défaillante, le risque est que le seul régulateur social demeure les forces du marché à l’origine d’ailleurs la crise mondiale actuelle. Ce qui explique la position officielle de la majorité des pays de l’Afrique, demandant l’élargissement du G20 (ce continent étant représenté uniquement par l’Afrique du Sud) et au niveau de instances onusiennes pour une meilleure démocratisation du système des Nations unies, en réclamant deux sièges permanents avec droit de veto au sein du Conseil de sécurité. L’actuelle crise financière est me semble t- il une crise de confiance, une crise de régulation mais aussi une crise morale due à l’opacité des flux financiers. Cette régulation mondiale est rendue d’autant plus urgente avec cette financiarisation accrue car il s’échange chaque jour 4.000 milliards de dollars de devises sur les marchés des changes, trois fois plus qu’il y a une décennie, selon l’enquête triennale publiée fin aout 2010 par la Banque des règlements internationaux. Les acteurs non bancaires font désormais la moitié des transactions, la City renforçant sa prééminence, avec 37 % des échanges de monnaies et 46 % des transactions sur les dérivés de taux d’intérêt. Paris avec 3 % du négoce de devises et 7 % sur les dérivés (troisième rang derrière Londres et New York). Nous assistons à l’entrée du dollar australien, le won coréen, la lire turque, la roupie indienne, ces monnaies qui progressent, au détriment du billet vert et l’introduction du yuan chinois sur ce marché dans un proche avenir devrait entrainer de profonds bouleversements. Aussi, selon la BIRD, si le marché des changes a été relativement préservé dans la crise récente, il pourrait en être tout autrement dans les prochaines années, les régulateurs financiers devant mieux surveiller les « non-banques », les « hedge funds » et autres acteurs de plus en plus actifs sur les marchés des changes , la supervision financière britannique ayant révélé sa profonde inefficacité. Rapportées au PIB, les pertes des banques implantées au Royaume-Uni ont été six fois supérieures à ce qui a été enregistré sur le Continent ou aux Etats-Unis. Aussi, l’objectif stratégique est de repenser tout le système des relations économiques internationales et notamment le système financier mondial issu de Breeton Woods en 1945 en intégrant le défi écologique, car en ce début du 21ème siècle, des disparités de niveau de vie criardes font de notre planète un monde particulièrement cruel et dangereusement déséquilibré. L’abondance et l’opulence y côtoient d’une manière absolument insupportable la pauvreté et le dénuement. Sur les sept milliards d’habitants que compte la planète, un cinquième – dont 44% en Asie du Sud à moins d’un (01) dollar par jour de revenu. Quand on sait que, dans les 25 prochaines années, la population mondiale augmentera de deux milliards d’individus – dont 1,94 milliard pour les seuls pays en voie de développement – on peut imaginer aisément le désastre qui menace cette partie de l’humanité si rien de décisif n’est entrepris.

SIXIÈME PARTIE
L’Algérie et la dynamique des relations économiques internationales

1- L’Algérie et l’Europe

1.1- Bien poser les problèmes pour régler les différents

 

Tout en soulignant que depuis fin juin 2010, l’Algérie a décidé de suspendre provisoirement ses négociations avec l’OMC, une réunion a eu lieu le 15 juin 2010 à Luxembourg relative au 5ème conseil de l’ Accord d’association entre l’union Européenne et l’Algérie devant fait le point après 5 ans, l’Algérie étant liée par un Accord à l’Europe pour une zone de libre échange applicable depuis le 01 septembre 2005. Cet Accord comporte plusieurs volets: politique, économique, commerciale, industriel, les services, les douanes, le transport, l’énergie, l’environnement, l’agriculture, la pêche, les affaires sociales, la société de l’information, la recherche, innovation, l’audiovisuel, la culture et l’éducation. Mais, il semble bien qu’existent des tensions entre l’Algérie et l’Union Européenne concernant l’Accord d’Association signé entre les deux parties. Dans cet esprit, les divergences se sont accentuées suite aux décisions du gouvernement algérien courant 2009 de postuler 51 pour cent aux algériens dans tout projet d’investissement et 30 pour cent dans les sociétés d’import étrangères avec au départ un effet rétroactif , ce qui serait contraire au droit international, qui explique la réaction européenne de Catherine ASHTON, ex commissaire européenne au commerce extérieur actuellement Ministre des affaires étrangères de l’Union européenne, qui avait demandé l’annulation de ces directives dans une correspondance officielle adressée au gouvernement algérien le 12 juin 2009 . Elle avait invoqué que l’Algérie aurait violé les articles 32, et 37, 39 et 54 de cet Accord ce qui a conduit le premier ministre algérien à annuler son propre décret concernant le volet commerce en septembre 2009. Par ailleurs lors de sa visite à Alger le 6/7 juin 2010,le Commissaire européen à l’élargissement et à la politique de voisinage M. Stefan Füle, a indiqué que la part de l’UE dans les importations de l’Algérie a régressé passant de 57,4% en 2002 à 51,9% en 2008 au bénéfice de la Chine , que le déséquilibre des flux commerciaux observé s’explique par la surconsommation de l’Algérie due à sa dépense publique et que la responsabilité du gouvernement algérien est entière. IL a tenu à préciser aux autorités algériennes qu’il ne suffit pas de signer un traité pour que les choses fonctionnent, mais qu’ il faut des réformes structurelles profondes et si l’Algérie n’a pas tiré profit de l’accord d’association, c’est parce que les réformes structurelles n’ont pas été menées. Donc aucun changement de fond de la position européenne dont les arguments reposent fondamentalement sur l’article 32 de l’Accord qui stipule que l’Algérie réserve a l’établissement de sociétés communautaires sur son territoire un traitement non moins favorable que celui accordé aux sociétés de pays tiers. Egalement l’article 37 qui stipule que les parties évitent de prendre des mesures ou d’engager des actions rendant les conditions d’établissement et d’exploitation de leurs sociétés plus restrictives qu’elles ne l’étaient le jour précédant la date de signature du présent accord, s’engageant à envisager le développement du présent titre dans le sens de la conclusion d’un accord d’intégration économique au sens de l’article V de l’AGCS Et surtout l’article 39 qui stipule que la Communauté et l’Algérie assurent, à partir de l’entrée en vigueur du présent accord, la libre circulation des capitaux concernant les investissements directs en Algérie, effectués dans des sociétés constituées selon la législation en vigueur à la législation et enfin l’article 54 que la coopération vise la création d’un climat favorable aux flux d’investissements et d’accords destinés a éviter la double imposition. Aussi, pour la partie européenne, les produits industriels algériens ont été admis en Europe dès le début de l’entrée en vigueur de l’Accord sans droits de douane, sous réserve de respecter la clause qualité et les produits européens faisaient l’objet d’un démantèlement tarifaire progressif pour entrer en Algérie et que ce démantèlement s’étalera jusqu’en 2017.
Ce n’est pas l’avis de la partie algérienne pour qui les importations algériennes auprès de l’UE ont augmenté de près de 80%, passant de 11,2 milliards de dollars en 2005 à 20,8 milliards de dollars en 2008, et c’est l’Europe qui n’a pas respecté les engagements contenus dans l’Accord qui lie l’Algérie à l’Europe, dont notamment la mise à niveau de l’économie algérienne l’Algérie ayant surtout besoin du savoir faire technologique et organisationnel et non de capitaux , posant indirectement la question s’il est utile que l’Algérie reste attachée à cet Accord par la faiblesse de l’investissement utile. Par ailleurs les baisses tarifaires auraient entrainé un manque à gagner de 2 milliard de dollars en 2009 et seraient de 7 milliards de dollars horizon 2017 selon le Ministre des affaires étrangères dans le document présenté le 15 juin 2010. Dialogue de sourd : l’Algérie reproche à l’Europe le manque d’enthousiasme dans l’investissement et l’Europe reproche à l’Algérie le manque de cohérence et de visibilité dans les réformes micro-économiques et institutionnelles.
Il faut reconnaitre que la création du partenariat euro méditerranéen, officialisé lors du sommet de Barcelone de novembre 1995 a eu un résultat mitigé et que l’Union pour la Méditerranée (UPM), processus complémentaire et non concurrent au processus de Barcelone, auxquels les pays du Maghreb sauf la Libye ont adhéré le 13 juillet 2008 à Paris pour être efficace doit s’appesantir sur des projets concrets est également à son point mort. Aussi, l’Europe doit dépasser sa vision mercantile considérant l’Algérie uniquement sous l’angle d’un marché d’importation. L’Algérie doit également éviter d’avoir une vision administrative bureaucratique autoritaire afin d’encourager l’investissement utile. L’Europe doit avoir une autre vision du développement du Sud d’une manière générale basé sur le co- développement et l’Algérie doit éviter ce chauvinisme étroit qui ne mène nulle part d’un autre âge, certaine couches sociales profitant de cette entropie pour bénéficier des intérêts de la rente nuisibles au développement à long terme du pays .Il faut être conscient que les nouvelles relations internationales ne se fondent plus essentiellement sur des relations personnalisées entre chefs d’Etat mais surtout sur des réseaux et organisations décentralisés à travers l’implication des entreprises, des universités et de la société civile qui peuvent favoriser la coopération et le dialogue des cultures. Dans ce cadre l’émigration, ciment des liens culturels, peut être la pierre angulaire de la consolidation de cette coopération. C’est un élément essentiel de ce rapprochement du fait qu’elle recèle d’importantes des potentialités économiques et financières. Car la promotion des relations de l’Algérie et sa communauté émigrée, doit mobiliser à divers stades d’intervention l’initiative de l’ensemble des parties concernées, à savoir le Gouvernement, les missions diplomatiques, les entrepreneurs, les commerçants, les Universités et les compétences individuelles. L’engagement implicite caractérisant les relations entre la communauté émigrée et les pays d’origine, ne doit pas occulter les légitimes intérêts strictement économiques des parties concernées pour garantir la rentabilité et la pérennité des opérations engagées. Le pouvoir exécutif devrait veiller, dans le cadre organisationnel et législatif, à alléger l’ensemble des procédures administratives, afin de favoriser la promotion de l’investissement et les échanges commerciaux, à l’instar de pays qui utilisent leurs compétences nationales localisées à l’étranger comme point d’appui au développement national. .Dans le cadre d’un partenariat fructueux, je préconise une université euro méditerranéenne, lieu de fécondation des cultures et de combat pour la tolérance, une banque d’investissement euro méditerranéenne lieu de mise en œuvre des affaires, dont l’Algérie et l’Europe peuvent être des acteurs dynamisant, et ce dans le cadre du renforcement de l’intégration magrébine , si l’on veut attirer des investisseurs potentiels intéressés non par des micro- espaces mais par un marché de plus de 100 millions d’habitants. C’est que nous évoluons dans un monde dans lequel, il n’existe pas de place pour les entités isolées ; il appartient aux pôles et aux groupements économiques.

2- L’intégration maghrébine, facteur d’adaptation aux défis de la mondialisation

La banque mondiale dans son rapport 2009 a mis en relief nettement, que l’intégration maghrébine au sein de l’espace euro méditerranéen et arabo africain permettrait une augmentation de 2 à 3 points du taux de croissance de la région qui auront une répercussion positive sur la création d’emplois dans une zone où il y a 3 millions de chômeurs, qui constituent 12% des actifs. Alors on pourrait imaginer les importantes économies d’échelle, les gains de productivité si l’intégration pouvait se réaliser pour le Maghreb. Plusieurs études sérieuses annoncent que les économies des pays du Maghreb sont vouées à la disparition, si les gouvernements continuent dans leur entêtement à favoriser leurs intérêts égoïstes, tous les indices montrant que les gouvernements du Maghreb font plus de la «désunion». Un Maghreb où les capitaux, les marchandises, les services et les personnes circulent librement sans entraves d’ordre réglementaire, législatif ou financier, et dans lequel les entreprises évoluent dans un espace économique uni et ouvert, est le rêve de non nombre d’intellectuels et de patrons maghrébins Un Maghreb uni est vital pour nos pays et nos populations. Côté statistiques, les échanges commerciaux entre les pays maghrébins, n’ont pas dépassé les 3% en 2009, ceux entre les pays de la Communauté européenne atteignant les 70%, les échanges entre les pays de l’ASEAN sont de l’ordre de 21%, ceux d’Amérique latine 14% et ceux des pays de l’Afrique de l’Ouest 8%. Le PIB du Maghreb ne dépasse pas les 400 milliards de dollars pour une population de 90 millions d’habitants, ce qui représente 80% du PIB de la Belgique, dont la population ne dépasse pas les 10 millions d’habitants. .C’est que les pays du Maghreb disposent de sérieux atouts susceptibles de leur permettre d’enclencher, assez rapidement, de fortes croissances de leurs économies analogues à celles observées dans d’autres régions du monde, notamment en Asie. Parmi ces avantages on peut citer , dans le cadre d’une croissance soutenue, :une population jeune et en pleine expansion sur un vaste territoire; une homogénéité culturelle que renforce l’unité linguistique; l’existence d’une élite importante et de qualité; des moyens financiers appréciables – même en situation de crise – qui placent la région en position confortable par rapport aux autres régions en développement; un potentiel énergétique, industriel et agricole prometteur, même s’il est inégalement réparti; la proximité de l’énorme marché européen et la disponibilité de la communauté internationale et spécialement les Etats Unis d’Amérique, de l’Union Européenne, des pays émergents (Chine, Inde, Russie, Brésil) qui s’intéressent à ce marché pour soutenir l‘intégration de la région.
Aussi, ya t-il lieu de tracer les objectifs stratégiques de l’intégration économique maghrébine Pragmatiquement pour réaliser cette intégration, j’ envisage plusieurs axes :la solution maximum qui impliquerait la signature d’un traité instituant l’Union économique maghrébine sur le modèle du traité de Rome avec fixation d’un calendrier relatif à l’élimination des droits de douanes et des restrictions contingentaires, établissement d’un tarif extérieur commun, harmonisation des politiques économique, fiscales, monétaires et enfin, la mise en place d’institutions communes dotées de pouvoir de décisions. La solution minimum, une création progressive d’une union économique par une simple déclaration d’intention, les seuls engagements juridiques se limitant à la participation périodique à des négociations sur les concessions tarifaires ou sur les choix des lieux d’implantation d’industries nouvelles. Enfin la solution intermédiaire serait fondée sur l’interaction entre la libéralisation commerciale et l’harmonisation industrielle. Cette solution devrait couvrir une période de cinq (5) ans au cours de laquelle les pays maghrébins s’engageraient : à des réductions linéaires (10 % par exemple par an) des droits de douanes , des restrictions quantitatives frappant les produits échangés, à l’établissement d’une liste d’industries à agréer et dont les produits seraient assurés de la libre circulation et de la franchise sur le marché maghrébin ; à la création d’une banque maghrébine afin de financer les projets d’intérêt commun, projet en principe concrétisé par les textes depuis le début de l’année 2010 , mais dont les effets concrets tardent à voir le jour ; à l’institution éventuelle d’une union des paiements et enfin à l’harmonisation de leurs politiques commerciales à l’égard des pays tiers pour ne pas compromettre plus tard l’institution d’un tarif extérieur commun. Après cette banque d’investissement, la création d’une banque centrale et d’une bourse maghrébine pourrait être envisagée devant précéder nécessairement la création d’une monnaie maghrébine. L’objectif stratégique serait de s’insérer horizon 2020 à travers des réseaux dans le cadre de la future création d’une banque centrale et bourse euro méditerranéenne.

3- La nouvelle donnée régionale euro- méditerranéenne

Je considère que le sous segment de l’intégration maghrébine devra s’intégrer progressivement au sein de l’espace euro- méditerranéen , son espace social et économique naturel, pouvant être un puissant catalyseur, faisant le pont avec l’Afrique et le monde arabe à fortes potentialités de capitaux. Pour cela, je recommande -une harmonisation des législations notamment au sein de la zone Sud surtout avec la création d’une zone de libre échange avec l’Europe, l’institutionnalisation d’une banque dédiée au développement des économies des pays de la rive Sud et de l’Est de la méditerranée ; la création d’une agence euro méditerranéenne des investissements étrangers ; -la promotion d’un groupe de travail sur la promotion de l’image des pays du Sud (notamment du risque qui est surévalué) ; la professionnalisation de la micro finance devant conduire à réserver les dons et fonds publics à la couverture du risque et à l’accompagnement des projets en association avec les organismes de miro crédit en impliquant la société civile ; le soutien aux PME du micro crédit et enfin l’investissement dans le capital humain (promotion des compétences) qui conditionne tout le reste. Or, le rapport de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) paru courant janvier 2009, pour cette région précise que l’écart de richesse entre les deux rives de la Méditerranée est le plus fort au monde, avec un PIB annuel par habitant qui se situe en moyenne dans un rapport de 1 à 10, entre le Maroc et l’Espagne, étant par exemple de 1 à 12. Cette situation dramatique s’aggrave depuis plusieurs années avec son lot de tensions inévitables, l’augmentation significative de l’émigration vers l’Europe. L’OCDE estime qu’il faudrait créer au Sud de la Méditerranée, au minimum 40 millions d’emplois dans les quinze prochaines années pour avenir seulement à maintenir le taux de chômage à son niveau actuel. Il est peu probable, compte tenu de la situation économique des pays de la zone européenne, de solutionner à brève échéance ce problème majeur, et ce, malgré les meilleures volontés affichées. Toujours selon l’OCDE, le flux d’investissements européens dans la zone est anormalement faible : l’Europe ne réalise que 2% de ses investissements en Méditerranée, alors que les Etats-Unis et le Japon investissent respectivement 20% et 25% de leurs investissements dans « leur » sud. Ces analyses sont rejoints par la déclaration des représentants d’organisations d’entreprises de la région euro-méditerranéenne, réunis à Barcelone les 3 et 4 juin 2010 qui notent avec pessimisme que «depuis sa création en 2008, l’UPM n’a pas encore répondu aux attentes créées. Après deux ans, l’UPM continue à se concentrer davantage sur son implémentation, par exemple sur ses structures et responsabilités, que sur ses résultats. Et de préciser qu’il est essentiel que le secteur privé participe plus clairement et activement à l’élaboration de politiques pour la construction de l’UPM. Il devrait être un acteur du processus et non pas un simple exécuteur. Ces représentants de la Communauté Euro-méditerranéenne des affaires et des organismes d’accompagnement des entreprises, demandent aussi la mise en place d’une initiative méditerranéenne de développement d’affaires en se concentrant sur les PME, précisant que plus de 90% des entreprises euro-méditerranéenne sont des PME. Pour sa part, le professeur Jean louis Guigou Délégué dans une contribution au quotidien les Echos en date du 10 avril 201 soutient que le monde méditerranéen, un espace unifié de 500 millions d’Européens et demain 450 millions d’Arabo-musulmans, d’Israéliens et de Turcs, constitue le cadre adéquat pour faire face à la guerre économique et à la guerre des monnaies que préparent les autres régions intégrées d’Asie de l’Est ou d’Amérique où l’avenir de l’Europe. Selon le professeur Jean Louis Guigou, il faut faire comprendre, dans l’intérêt de tous les Européens et de toutes les populations sud-méditerranéennes, les frontières du marché commun de demain, les frontières de Schengen de demain, les frontières de la protection sociale de demain, les frontières des exigences environnementales de demain, doivent être au sud du Maroc, au sud de la Tunisie et de l’Algérie, et à l’Est du Liban, de la Syrie, de la Jordanie et de la Turquie.. D’où l’urgence de répondre à plusieurs questions stratégiques. De quelle(s) manière(s) peut-on caractériser les logiques de localisation des activités de production ? Dans quelle mesure présentent-elles des spécificités? Préfigurent-elles un nouveau mode d’industrialisation fondé sur un processus d’agglomération physique (spatialisation) des entreprises qui succéderait à une vague de dissémination ? Ces nouvelles concentrations géographiques d’activités renvoient-elles à l’émergence de territoires productifs (territorialisation) qui se distinguent d’une simple spatialisation des activités par l’existence d’une gouvernance territoriale propre ? Comment ces modes de territorialisation s’articulent-ils au précédent déploiement spatial des activités, produit d’un mode de régulation fordiste que l’on peut qualifier, en première approche, de périphérique et d’administré ? Et l’auteur de conclure, d’une part, il s’agira d’inscrire les logiques d’acteurs dans des arrangements institutionnels (local, national et international), d’autre part, à travers une approche comparative, il s’agira d’identifier les déterminants spécifiques des dynamiques d’agglomération productive et de dégager le rôle des modes d’action publique (centralisés/décentralisés) sur ces nouvelles dynamiques d’agglomération.

 

CONCLUSION GENERALE

Une étude préparée par le Peterson Institute for International Economics pour le compte de la Chambre de commerce internationale le 28 juin 201 montre que les gouvernements du G20, malgré les discours, recourent à des protections commerciales. Les risques d’une guerre commerciale se sont accrus, en contradiction totale avec les déclarations des leaders politiques de ces 20 nations représentant quelque 80 % du PIB mondial. « Tous les pays du G20 ont mis en place des mesures de protection commerciales au cours de ces deux dernières années, sans provoquer, toutefois, jusqu’à aujourd’hui un cycle global de rétorsion qui fût si destructeur sur le plan de l’emploi et du commerce pendant la Grande Dépression des années 1930 », indique l’étude. Selon les données collectées par le Global Trade Alert, mis en place en 2008 par Simon Evenett, professeur à l’université de Saint-Gall (Suisse), le G20 a été responsable de 172 initiatives à caractère protectionniste avant septembre 2009. Entre le sommet du G20 de Pittsburgh en septembre 2009 et celui, de Toronto « les données collectées ont permis de recenser plus d’un millier de mesures gouvernementales comme pouvant avoir un impact sur les intérêts commerciaux étrangers. Parmi elles, 554 sont certainement discriminatoires. Sur ce total, 337 émanaient directement des gouvernements du G20, soit plus de 60 % ». Bien évidemment, les Etats-Unis ne sont pas seuls en cause même s’ils occupent la deuxième place, derrière la Russie, du classement des pays les plus protectionnistes à la fin du premier trimestre 2010. La Chine y occupe la sixième place juste devant l’Allemagne et la France. Pour éviter tout risque de dépression, les experts de l’étude préconisent 4 initiatives : conclure le cycle de Doha, nommer un groupe de « sages commerciaux » au niveau du G20 chargé de lutter contre le protectionnisme, accélérer le processus de règlement des différends commerciaux au sein de l’Organisation mondiale du commerce, établir un sommet régulier des ministres du Commerce du G20. Peut-on dès lors incriminer l’Algérie qui a mis en place depuis 2009 de telles mesures ? Encore, ne s’agit- il pas de confondre l’Etat régulateur et le patriotisme économique avec le retour du tout Etat des années 1970 et le protectionnisme, suicidaire à la fois pour l’Algérie et l’ensemble de l’économie mondiale.

Docteur Abderrahmane MEBTOUL, Expert International professeur d’Université en management stratégique (Algérie)

 

NB- Cette contribution est une synthèse d’un ouvrage en voie de rédaction sur : « Crise mondiale structurelle, reconfiguration géostratégique et impact sur l’économie algérienne ».

 

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